On With The Show... With The Agency

par Adehoum Arbane  le 24.02.2009  dans la catégorie Interviews & reportages de Shebam

Première partie de Brooklyn à La Maroquinerie,
Premier Ep événement, 
Partition en forme de chapelle Sixtine :
Hohner à The Agency !

Débouler à un concert de Brooklyn est toujours une expérience amusante. On ne peut pas faire un pas sans croiser une poule de 16 ans répondant à une autre « Suupppperrr, j’ai le poster de Brooklyn ». « Trop le kiffe » lui répond alors son clone à frange, et le rock critique de penser en lui-même « Putain, faut que je pense à imprimer des posters à mon effigie ». Mais, je n’avais pas fait le déplacement pour parler maquillage, sociologie rock et déco d’intérieur. Mon attention était focalisée sur la première partie celle qui vaut parfois moult retards, voire l’oubli net, tant son apparente médiocrité était devenue la règle. Pas cette fois, car les Agency se pavanaient à l’affiche et dans leur formule la plus rock ce qui pourrait surprendre pour un groupe à la pop subtilement acidulée. Mais ce soir, il y avait du Pitre Townshend dans l’air. Entre parenthèses, les Agency ne se prennent pas au sérieux et chaque prestation peut se transformer en happening total, ce qui n’est pas pour me déplaire. François nous gratifia ce soir-là de plusieurs moulinets de bras dans le but insidieux de tirer de sa guitare toute forme de matière sonore inattendue, posture au combien passionnante. Ce qui frappa mon esprit, c’était la cohésion du groupe, le fluide invisible qui passait d’un musicien à l’autre, ce que l’on appelle l’amitié et qui fait des Agency tout sauf des requins de studio. Ils enchaînèrent les titres, de nouvelles compositions, s’essayant même à un moment, devenu magique, à la jam psychédélique. L’assistance réceptive se laissa caresser par leurs chœurs, l’instant se fit alors solennel : ils n’étaient plus à ce moment précis un groupe de première partie. Le lendemain, sortie officielle de leur premier Ep format vinyle avec en face A Bumpers, un nouveau titre, et en face B le touchant Significant, un standard. Bumpers fait montre d’une belle maturité avec une entame rappelant le Baba O Rilley des Who, rythmique céleste portée par la voix de porcelaine de François dont le timbre semble avoir été façonné pour les nurserys rhymes anglaises, il y a dans ce morceau de plus de  4 minutes une féerie réelle, tout semble parfait, et parfaitement « agencé » par notre agence préférée. Ces gars-là sont faits pour livrer au monde leurs chansons, authentiques (parce que pensées et travaillées) et sublimes (parce que le feeling c’est tout). 12 titres en constitueraient la trame, pas plus, je déteste cette manie de placer 15 morceaux, hidden track comprise, sous prétexte que le support numérique le permet. 10 à 12 chansons, c’est l’équation rêvée. À mesure que le temps passe, dépliant l’espace, on en revient à Bumpers, je la fredonne déjà, c’est un signe et une fois la chanson terminée, elle me manque déjà me poussant à la réécouter. Je voudrais pouvoir l’emporter avec moi, qu’elle soit comme mon ombre dans la ville, que ses  pures inflexions deviennent à chaque coin de rue, une cathédrale de plus, comme si je posais dans chaque décor de mon parcours parisien journalier la coupole radieuse et colorielle de la chapelle Sixtine. Bumpers me donne l’impression palpable de construire ce décor à la façon de Gondry. Bumpers est donc devenue ma chanson de chevet. Une telle intimité naissait en moi, que je crus bon de proposer aux Agency une interview épistolaire (les Agency sont le dadaïsme réinventé) où chacun aurait le loisir de la composer comme une mélodie à tiroirs. En voici les grands moments :

Shebam : Lors du dernier concert des Who, on a comptabilisé chez Pete Townshend 356 moulinets de bras. Ce soir, François en était à 423. Content d'avoir établi un nouveau record ?

François : au-delà du fait que la performance soit historique, je tiens à préciser que ces 423 moulinets sont les premiers que j’ai jamais réussis. Pour tout vous dire, je suis brouillé avec les phalanges de ma main droite qui ne m’ont pas adressé la parole depuis 2006 et 348 tentatives infructueuses.

Yannick : Je l’ai même vu tenter des moulinets sur mon clavier…

Romain : Personne n’a remarqué, mais le 16 Janvier dernier, j’ai compté exactement 3576  attaques de médiator sur ma basse… Je suis content d’avoir battu le record de Jashan Pushan ce soir-là.
 
Shebam : Le Dalaï Lama a dit je cite : « Les Agency me font croire en des jours meilleurs ». Qu'en pensez-vous ? Êtes-vous bouddhistes ?

Yannick : Un type que je ne connais pas, et qui passait par là, m’a déconseillé de répondre à ce genre de question. Je suis très respectueux envers les inconnus, surtout ceux que je ne connais pas.

François : Nous adhérons plutôt à notre propre religion, qui est Kiwilandaise (le Kiwiland est notre lieu de naissance spirituel). Elle consiste en une adoration des montagnes et une foi évolutive qui atteint son paroxysme aux alentours de février. À ce moment de l’année, tous les fidèles se rejoignent au sommet du mont Mok et recommencent à douter. En fait c’est assez Bouddhiste de par son côté cyclique. Sinon je suis content qu’un type dont le nom peut se traduire par “ l’illuminé” soit un fan du groupe.

Romain : D’ailleurs, sachez que la fête de Pâques est en fait d’origine Kiwilandaise. Mais là-bas les gens ne sortent pas ce jour-là car les cloches volent vraiment et sont plutôt menaçantes. En fait, seul le principe des cloches est Kiwilandais.

François : Qui se dévoue pour parler du Christ à Romain ?

Shebam : Parlez-moi de vous ? Etes-vous des nerds ? Collectionnez-vous des choses idiotes, des marottes ?

François : J’ai entrepris 450 collections différentes entre 1985 et aujourd’hui, sans qu’aucune ne prenne vraiment. En ce moment, nous tentons de trouver tous les jeux jamais sortis sur Super-Nintendo et les 600 VHS des films les plus ratés de l’histoire du cinéma. J’ai aussi pour ambition personnelle d’acheter l’intégralité des plans de Paris tracés en 1654 et de recréer une perruque uniquement constituée de véritables cheveux d’Eric Idle.En ce qui concerne les marottes, nous aimons ( à part les jeux-vidéos des années 90, vous l’aurez compris) les comédies sportives en général, les recueils de trucs et astuces pour maniaques grabataires, les doublages de séries policières allemandes, les dessins de membres difformes et enfin, dans le désordre : Dali, les Shadoks, Paul McCartney, Henri Michaux, Van Dyke Parks,  la série Black Books et tout morceau qui contient une gamme de do jouée sur un clavier pour enfants. Nous ne sommes donc pas des nerds.

Yannick : Je tente désespérément de collectionner mes propres cheveux, seulement ils s’arrachent sur ebay à un prix exorbitant.

Romain : Je ne vous en ai jamais vraiment parlé mais j’ai une collection. Une collection d’objets différents… c’est sûrement la plus grande collection du monde et je suis quasiment certain d’en avoir la moitié, surtout depuis que j’ai acheté 20 Casio Ma-100 que je compte bien circuit-bender pour les rendre différents. Sinon je participe activement à notre collection de VHS. Le Dernier Match et La Moto Magique restent mes plus grandes trouvailles.

François : Je tiens à préciser qu’au contraire de Jashan Pushan, les films dont parle Romain existent vraiment.
 
Shebam : A l'heure de la dématérialisation du CD et de la crise du disque, vous sortez un Ep format vinyle. Choix économique ou tout simplement la grosse classe ?

François : Nous sortons un vinyle ? Wow! moi je dirais que c’est classe et que les cds sont un peu comme le Betamax, c’est amusant mais ça sent la mort. Un vinyle, c’est formellement plus noble. Personne ne penserait à comparer un étalon et un cadavre de poney.

Yannick : Nous sortons un vinyle ? Wow ! moi je… Attendez une minute…. J’ai déjà entendu ça quelque part.

François : Crétin.

Romain : Moi je rêvais d’un 33 tours mais ma platine ne lis que les 45 tours. Je ne comprends toujours pas pourquoi mais mon père me dit souvent que c’est très rare.

Shebam : Si vous étiez un slogan, quel serait-il ?

Yannick : Le premier !

François : “ KIWILAND RISE!” ou bien encore “ Regardez-nous avec vos mains”.

Romain : « Skiwididamdalam ».

Shebam : Quelle île déserte aimeriez-vous emporter sur un disque ?

Yannick : (les bras en l’air, fait des tours sur lui-même tout en insultant ses pieds)

François : Cette question m’a troublé, mais je viens de remettre mon cerveau dans le bon sens (ou du moins le sens que je juge le plus fonctionnel) et j’ai envie de vous dire, chère interrogation, que le Kiwiland est encore la plus naturelle des réponses (mais enfin il n’est pas désert). Nous autres insulaires, avons toujours pour habitude de saupoudrer des fragments de notre île sur nos morceaux. Que les Britanniques me contredisent s’ils l’osent.

Romain : Ça dépend de l’échantillonnage. Mais pour cette question je serais tenté de rejoindre François… ou Yannick mais ça me semble un peu trop physique dans l’immédiat.

Shebam : Plutôt Kinks ou Beatles ? Plutôt Prog rock à tendance country ou Kraut Pop à tendance psychédélique ?

François : Plutôt Beatles- période absolument tout -et toute musique que nous considérons “ De plafond” (Celle qui donne envie de vous désosser et de vous rapprocher de votre toit).

Yannick : En ce qui me concerne, plutôt Beatles période 8-bit, même si celle-ci n’à jamais eu la bonne idée d’exister, et toute musique qui fait léviter mes deux bras, signe d’extrême approbation qu’on peut retrouver chez les japonais, chez Ringo Star (une fois), chez le célèbre singe qui renifle son truc, ou chez n’importe quel autre citoyen du Kiwiland.

Romain : Beatles sans hésiter car les Kinks ne plafonnent pas de façon régulière… .Mais Yannick ! je viens de comprendre que tu parles en fait de Koji Kondo là, c’est lui qui a eu la bonne idée de  faire exister la période Beatles 8-bits.

Shebam : Quel est le groupe qui ne vous a jamais influencé ?

Yannick : J’aime tellement cette question que je refuse catégoriquement d’y répondre.

François : Question très intéressante. Je pense que Dire straits doit être du nombre. En fait c’est peut-être le seul parce que la laideur est toujours inspirante. Dire Straits, ce n’est pas laid ou en fait je n’en sais rien: c’est une musique que mon corps refuse d’assimiler.

Romain : Je sais pas si vous regardez Direct 8, mais, à la fin des programmes,  ils vous passent en boucle des plans fixes de bureaux avec des gens qui semblent travailler...et bien la musique a ce moment-là est juste vide d’idée, ni moche ni belle. Je pense que les membres du groupe n’ont plus d’âmes.

Shebam : A Wall Street, le cours de l'action Farfisa Incorporated a pris 5,8 points. Pensez-vous y être pour quelque chose, surtout toi Yannick ?

François : Je ne réponds pas à ce genre de choses, ce serait illégitime au su des rapports quasi-amoureux que mes comparses entretiennent avec ce type de machines.

Yannick : Avant la hasardeuse découverte du clavier, je jouais du « plouirk », une espèce de bestiole avec des touches très féroces qui essayaient de vous mordre les doigts quand vous les approchiez.  Le grognement des touches produisait un son abominable qui ressemblait vaguement à de la musique. Depuis, l’animal a disparu. Et tout le kiwiland achète des orgues-je-ne-sais-pas-quoi-combos en me remerciant d’être tombé dessus par hasard. Et je n’ai jamais compris pourquoi d’ailleurs parce que moi je joue de la guitoline et du petit carré.

Romain : Nous avons maintenant beaucoup de difficultés à en trouver. Nous attendons d’ailleurs en ce moment même un Gemini Sprinter 61B mais mon correspondant Audiofanzine semble avoir quelques problèmes avec la Poste et UPS. Je pense qu’il est tout simplement con… Ou alors c’est moi car il a déjà encaissé le chèque. Dans les deux cas, ce combo reste génial,  surtout quand on sait que les composants internes sont les mêmes que ceux d’un Vox Continental.
 
Shebam : J'ai remarqué que les bassistes étaient toujours grands et patibulaires : Bill Wyman, John Entwistle, Chas Chandler… Qu'en penses-tu Romain ?

François : Romain n’est pas patibulaire et je pense même qu’il n’est pas grand, il a dû inventer un prisme optique qui le rend géant. Reste à savoir comment ça fonctionne.

Yannick : Idem. Je ne pense pas que romain soit grand. Le bon adjectif serait plutôt « illimité ». Il paraîtrait même que sa croissance n’est pas terminée. Je ne crois pas me souvenir avoir aperçu ne serait ce qu’une fois son visage. Du coup, impossible de savoir quelle mine il a.

Romain : Mon Prisme ne sert pas à ça, François. Je ne connais pas son secret d’ailleurs. Donc, tous les bassistes sont grands ? auraient-ils tous ma maladie ? ce n’est d’ailleurs pas vraiment une maladie mais mon médecin m’a appris que je grandissais encore aujourd’hui et à 25 ans ce n’est pas vraiment normal. Si je me base sur ma courbe de croissance, je devrai faire 2m05 à 35 ans…. J’espère que ça va s’arrêter. C’est peut-être ça le secret de mon prisme….
 
Shebam : À propos des Who, votre nouveau single Bumpers sonne très Baba O'Agency ? Un hasard ?

François : Who’s next est un monument que je vous conseille d’écouter dans votre bain, vous aurez l’impression de tremper dans le tout premier des océans. Ouais, j’ai un rapport Freudien avec ce disque (au-delà du fait que Baba O’Riley soit un morceau qui agrandisse vraiment les baignoires. Il est d’ailleurs possible que cela agrandisse le monde en général mais je ne l’écoute que dans l’eau).

Yannick : … Pardon, je pissais.

François : Dans ma baignoire en plus.

Romain : Y’a des moulinets dans Bumpers ?

Shebam : Et l'album ? On vous propose deux producteurs : George Martin ou Phil Spector, sans les flingues ? Lequel choisissez-vous ?

François : Dommage que vous ayez dépossédé ce pauvre Phil de ses armes parce qu’une prod’ George Martin sous la menace de Spector” aurait eu de la gueule. Non mais sérieusement, juste pour les trois pianos de l’accord final dans A day in the life : George Martin.

Yannick : Spector, Martin, Martin, Spector. D’un côté Phil Spector, de l’autre George Martin.  Boire ou manger ? haaaaaaaaa !

Romain : J’adore les différentes étapes physiques de Spector. Mais si je devais me retrouver en studio avec lui aujourd’hui je pense qu’il me ferait peur. Il est plutôt effrayant en ce moment. Au même titre que François, j’adore Martin. Donc George Martin sous la menace de Phil Spector armé mais dans une cage.

François : Il y a une pochette à faire là.

Shebam : Votre dernier disque acheté ? Film ? Livre ? Produit alimentaire ?

François : M’alors, soyons rigoureux :

Disque : Animal Collective-Merriweather Post Pavilion (de la musique de plafond véritable).

Film : The King Of Kong (un documentaire sur Billy Mitchell, le premier champion de l’histoire des jeux vidéo qui est également un fabricant de Chicken Hot Sauce).

Livre : Je ne parviens pas à me sortir de Ailleurs d’Henri Michaux, qui vous soulève en disant si peu.

Produit alimentaire : Je souffre d’Anglocite en ce moment même, vous ne trouvez pas que les boîtes de haricots à la tomate sont incroyables?

Yannick : Ah ! Un jeu de mémoire !

Disque : Euh…

Film : Baaah…

Livre : Mmmmm …

Produit alimentaire : Gnnnnn …. eeeee … bof.

Romain :

Album : Je me suis racheté Sumday de Grandaddy après l’avoir perdu.

(François : Il l’a perdu volontairement hein... Il a l’impression de redécouvrir les disques en les rachetant)

Film : Les Producteurs, un remake du film de Mel Brooks avec Will Ferrel.

Produit Alimentaire : Des coquilles Saint-Jacques.

Shebam : On va jouer à un jeu : dites chacun à votre tour une phrase avec la prononciation de Jane Birkin. Un exemple : « J'aime mettre de le crème sur ma visage ». A vous… 
 
François : « Chème metwe de le cweme su ma vissache ». Quoi ? j’ai pas compris le jeu ?
 
Romain : «Donne moi tout ton l’argent ! »
 
Yannick : C’est quoi le question déjà ?
 
Shebam : Et si on inversait les rôles, posez-moi une question ?

...

François : Si vous bloguez sur la pop à intervalles réguliers (mettons, tous les 2 jours) et que vous possédez un nombre de jambes moyen, ou pensez-vous arriver demain à midi ?

Shebam : Au Kiwiland, assurément, sans hésiter. Merde, où ai-je foutu mon passeport ?

Yannick : Oui ou non ?

Shebam : Noui.

Romain : Quel record penses-tu pouvoir battre ? le mien ou celui de François ?

Shebam : Le même, mais sur une flûte traversière, je rêve de jouer de la flûte traversière depuis ma plus tendre enfance. Cela remonte à ce petit matin où j’ai surpris mon oncle soufflant dans une pompe à vélo, visiblement il était convaincu de jouer du trombone à coulisse. Mon prochain record : 678 mouvements de doigts sur une flûte traversière. Putain, en fait, je suis définitivement un fan de Jethro Tull. C’est grave docteur ? Arrêtez de jouer de la pompe à vélo et répondez-moi !?

Épilogue.
Ainsi sont les Agency, fous sur scène, carrément barrés en coulisses mais si attachants. Je crois que ces gars-là mériteraient que l’on se penche sur leur cas et qu’ont leur laissent bien plus qu’une tribune libre : une énooorrrrrme console rutilante, dans un studio tout aussi rutilant avec un producteur, pourquoi pas rutilant, mais surtout investi par la musique et non par les bêtes directives de majors promptes à céder aux sirènes du consumérisme béat. Ainsi soit-il.
 


Crédit Photo : © Olivier RODRIGUEZ (Olivier R /) http://olivierr. wordpress. com

 

 

 


Commentaires

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05.03.2009

puisqu'il fallait un bargeot pour sortir leur musique en vinyle, nous sommes la!

http://www.aquick1records.com

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pompoko

16.03.2009

Difficile de rajouter les "10 caractères minimum" après ce que je viens de lire.
Je préfère me cantonner à un silence admiratif...

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