Carnets de déroute-Chapitre 6 : Le rock entre en Seine !

par Adehoum Arbane  le 18.01.2008  dans la catégorie Récits & affabulations
Chapitre 6 :
Un festival…  
… De slims, de filles, d’orgie boueuse et de rock
Des solaires Hey Hey My My à Björk, the Islande Empire

 

Il faut le dire haut et fort comme une guitare déchirant la nuit, le festival est devenu un concept un brin galvaudé depuis Monterey, Woodstock, Altamont et Wight, une sorte de grande messe où les affiches pleines de people rockers côtoient les larges banderoles publicitaires et la présence chaotique d’un Philippe Manœuvre bringuebalant ses noirs habits de lumière ne fait que renforcer cette conviction ; ses lunettes noires pour ex-nuits blanches trahissaient en ce premier jour l’absence totale de soleil. Pourtant, il y avait parmi la programmation, sur trois putain de jours, quelques formations à goûter live, des noms, des marques pleines de joyeuses promesses sur les étalages du prêt à allumer les briquets rock. Au milieu du parc, les jardins de l’Eden alimentaire, déployant avec indécence les parfums de graisses corrompues, avaient de quoi faire pâlir d’envie le moindre camp de réfugiés affamés que le tiers-monde retranche en ses terres dévastées. J’avale aussitôt mon sandwich saucisse fourré de sauce gluante avec l’évidente satisfaction du parisien bobo snob cynique venant de lire la ligne au-dessus. Je rejoins les autres. Nous formons un petit groupe homogène et déterminé, à quoi ? À ne pas se laisser bouffer par une molle programmation dont la platitude résonnait dans ma tête. Björk, pfff, pourquoi pas les CSS ! Pour ma part, j’avais consenti à faire le déplacement afin de communier avec les formations qui s’étalaient désormais sous l’enseigne précieuse de mon blog rock, des groupes comme les Shins, I Love UFO ou Hey Hey My My. Malgré cette affiche prometteuse, le beau temps lui ne figurait pas au programme : il faisait boue. Qu’importe, nous n’étions pas là pour travailler notre bronzage mais pour partager cette clameur qui balaye la foule quand une star du rock pointe ses boots sur scène, bras levés, cheveux au vent, triste déclinaison des traditions colportées dans les sacs les plus laids par ces connards de hippies dégueulasses qui firent les beaux jours la culture communautaire sixties. En fait et je dois bien l’avouer, j’étais surtout venu pour mater la silhouette décharnée d’Amy Winehouse, mais cette connasse certes douée et au combien rock’n’roll, avait annulé toutes ses dates en France, merde, hérésie pour le fan que je suis de son deuxième et fantastique opus, Back to black. En rêvant à un hypothétique concert, l’avenir à l’heure où j’écris ces mots me donnant largement raison, je passais en revue ce que la culture rock comptait de références, et ma mémoire se fixa sur un point, un nom, l’inénarrable Dusty Springfield que d’aucuns croiraient pur produit d’un Détroit black, d’un Memphis bleu, et non cette rutilante blonde est anglaise. Comme Amy Winehouse dont le corps sculpté façon vacances prolongées dans un kolkhoze sibérien lui donnait automatiquement des airs de diva entre Cher période « Je suis belle sans scalpel » et une défroque charnelle de junky made by Patti Smith. Non, Amy n’avait pas conservé la choucroute qui longtemps coiffa la tête de Dusty ni même ses longs yeux de velours, rimmelés comme des guirlandes sur un sapin de Noël. Non, cette beauté accidentée cachait bien plus, jusqu’aux tréfonds de sa gorge profonde où s’épanouissait tout un fantasme de soul feutré. Cette chatte sur un toit brûlant aurait pu jouer les Liz Taylor tassée comme un bourbon, ses jambes en fil de fer ont préféré enjamber le Temps pour sauter à pieds joints dans les flaques opaques poisseuses d’un son Stax, sexe, en frasques cuivrées et en phrases lustrées. Autant le dire, l’album est charnel. Une sorte d’ovni rutilant, superbement produit, et puis, merde les kids, cette voix comme un tison coincé dans une cheminée, ample, qu’Amy pose avec religion dans un pur respect de la tradition et qui renvoie direct les Miss Dominique braillardes dans les bas-fonds des Palais de la Facilité Vocale. On est bien loin du Arenby tel que le définissent les rappeurs-slameurs et qui n’a rien à voir avec le bon vieux rythm’n’blues des familles, celui des premiers Stones, des early Yarbirds, le R&B des fondateurs, appelé aussi Black rock’n’roll pour son savant mélange entre jazz, boogie, blues et gospel. Bien avant les Bo Diddley, Fats Domino, Chuck Berry, Little Richard et autres Otis Blackwell, on trouve des mythes comme Louis Jourdan, le roi du juke-box, Lloyd Price dont la popularité dans les fifties fut telle qu’il figure aujourd’hui en bonne place au fameux Hall of Fame, Hollywood caressant cette stèle de la célébrité d’une bienveillance californienne. Ce genre musical fait pour danser avait son instrument culte, le saxophone, on est loin de cette musique mielleuse pour boys and girls bands boutonneux. Quel gâchis !  Qu’en verrais-je Amy se rouler la langue autour d’un blues dans un baiser éternel avec le diable ? Mais quand ? Pour le moment, je suis au beau milieu d’une foule slimée ou rastafarisée, c’est selon, je hais les jeunes et leur grotesque propension à se ridiculiser, le rock ce n’est pas ça les gars !

A suivre...


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