Carnets de déroute-Chapitre 3 : Au cœur de la National Gallery.

par Adehoum Arbane  le 28.11.2007  dans la catégorie Récits & affabulations
Chapitre 3, deuxième partie



Derrière le rideau, je vis défiler en rangs serrés une armée de petits soldats en bois, un ours en peluche était à leur tête, les bras zébrés de galons dorés. Je ne sais pas pourquoi mais un souvenir me traversa l’esprit, celui du double d’Iggy, et dans un claquement de doigt, je sentis mon corps remuait de l’intérieur, de petites bulles se dessinaient sous ma chair au point que je me séparais alors. Un peu effrayé, je contemplais mon double qui lui, hilare, se précipita vers le groupe, d’ailleurs tout le monde s’était dédoublé, et dans les salles prestigieuses de la National Gallery régnait un joyeux chaos. Ultime vision délirante, un tableau échappant à toute classification, une représentation bien singulière, moi voguant sur une mer d’autres « moi », moi pêchant, moi tenant la barre, moi me baignant  dans un maillot de bain rappelant ceux que l’on portait dans les années 1900,  tout ce petit paysage maritime détaillait dans un foisonnement de petites touches de couleurs des saynètes pareilles aux tableaux de Paul Whitehead, le regard ne peut s’arrêter à la surface des choses et doit explorer les confins imaginés par l’artiste. Un vif coup de sifflet me tira de ma rêverie, Sandoz et moi quittâmes les lieux poursuivis par un bataillon de bobbys menaçants. Un bras m’attrapa par la manche, nous faisant miraculeusement disparaître sous une épaisse tenture rouge. Nous entendîmes les policemen s’interroger, furieux d’avoir laissé s’échapper un odieux « conspirateur français » et surtout, imagination mise à part, un infâme fauteur de troubles. Leurs pas s’évanouirent dans un écho démultiplié, démultiplié, démultiplié… Je remerciais alors notre providentiel sauveur qui n’était autre que l’un des gardiens du temple. Il s’appelait Octave Heliophone et avait méticuleusement observé notre petit manège. Mais au lieu de nous remettre aux autorités, ce dernier nous guida vers une salle fermée au public et qui abritait sept portraits qui aussitôt m’intriguèrent. Il s’agissait de buste de chevaux habillés comme des humains et prénommé comme tel : Bobby, Devin, Kyle, Kate, Katz, RP Luger, The Wrangler. Chaque toile portait l’énigmatique signature Xu Xu Fang, s’agissait-il du petit-fils de Fu Manchu, ou d’un dieu Aztèque, je ne sais et Sandoz n’en avait cure. Il préférait promener le voile vaporeux qui lui servait de jambes dans la pièce vide et silencieuse. Octave nous fit part de ses interrogations répétées comme des formules magiques indéchiffrables, l’homme affable et cultivé rêvait d’élucider cette énigme. Aussi quand il avait découvert notre secret, il avait décidé de nous soustraire aux lois de son pays, enfin pour un moment. J’implorais Sandoz de lever le voile sur le mystère chevalin. Le génie qui jouait les divas capricieuses s’exécuta malgré tout et un miracle s’accomplit.

A suivre…


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