The Doors, The ceremony is about to begin

par Adehoum Arbane  le 01.08.2006  dans la catégorie C'était mieux avant
Les Doors. Un mythe. Le groupe qui fit flamboyer L.A. Une formation incontournable dont Morrison sera la figure emblématique, le héraut sensuel, le porte-parole politique et poétique. Chacun a vécu son parcours initiatique au cœur des années 60. Le mien a commencé avec Hendrix et les Doors.

Oublions les stéréotypes. La rébellion adolescente, les affres de la puberté qui firent des Doors un objet de fascination juvénile. Oublions aussi l’intellectualisme qui inspira les commentateurs de l’époque. Bien sûr, la voluptueuse posture scénique de Morrison fait partie de la magie que distillent les Doors. Ce que je retiendrais plutôt, c’est la dimension rock et universelle du groupe. Les 3 autres membres n’étant pas des faire-valoir du charisme morrisonien. Que seraient les Doors sans l’orgue immédiatement indentifiable de Ray Manzareck, sans la guitare hispanisante de Robby Krieger, sans le feeling presque jazz de John Densmore ? Rien, en effet.

Cette cohésion sonore définira le style des deux premiers albums, entre Chicago blues et longues déclamations psychédéliques. Car ce qui semble apparaître comme le cliché d’une révolte immature (et je réprouve cette vision des Doors) n’est autre qu’une révolution musicale à part entière. Certes inscrite dans son époque, avec ces groupes fondamentaux (Jefferson Airplane, Spirit, Love, Grateful Dead, Country Joe & The Fish…). Une véritable redéfinition des schémas musicaux déjà défrichés dans les années 50 par les pionniers du rock’n’roll.

Musique de la transe comme le prouve The End en 1967, les Doors savent orchestrer de façon méthodique le trip, l’extase professionnelle, la lente ivresse des sons et des couleurs, des voix et des mots. Chez eux, tout serpente, même si Morrison réfuta, au couchant de son existence, son surnom de roi lézard. Les mélodies s’installent et avec elle, de nouvelles possibilités d’écriture. À ce titre, chaque membre du groupe donne à son instrument la tonalité la plus juste. Le temps semble s’étirer et de nouveaux climats donnent aux morceaux une puissance sans pareil. Alors que les garage bands balbutient encore, les Doors transpirent le mythe œdipien par tous les instruments. Leur poésie semble répondre à celle d’une autre formation plus sombre encore, plus new yorkaise aussi : le Velvet Underground de Lou Reed.

Poésie sans pareil, rock lettré… Les Doors proposent une grammaire musicale qui intègre tout le spectre des émotions humaines. Morrison insuffle aux partitions un verbe tourmenté, des constructions rappelant l’écriture automatique, celle de Rimbaud, d'Antonin Artaud, de Lautréamont et des poètes beat : Ginsberg, Corso, Kaufman. On sent également l’influence cinématographique et son court passage à UCLA. Des thématiques noires et obsédantes qui tranchent parfois avec une inspiration plus délicate comme dans Crystal Ship.

Et puis, il y a la voix. Je crois que l’on avait un peu trop vite gommé cet aspect de la personnalité de Jim. En effet, il ne se contente pas d’être un beau mec, une rock star qui empruntait sa gestuelle à celle d’Alexandre le Grand, un Adonis américain en proie aux bouleversements de sa génération : sexe, drogue et rock’n’roll. Il s’impose au fil des albums comme un grand chanteur à la diction parfaite, au timbre suave. Dans sa bouche, les yeah et les baby sonnent comme personne. Sauf peut-être Iggy Pop qui fut longtemps considéré comme son alter ego punk. Jim connaît les arcanes du blues, il murmure ses idiomes avec une aisance confondante et un sens de la théâtralité indéniable. Dans L.A Woman, Morrison est magnifique : il chante merveilleusement bien, hurle avec grâce, ronronne ses propres mots comme s’il savourait en bouche un bourbon 15 ans d’age. Il n’est plus cet ange glabre des premiers albums mais un sorcier du rock, une figure chamanique évidente.

Jim aura incarné le rock. En mourant d’abord de façon shakespearienne, perpétuant ainsi la grande tragédie contemporaine des poètes maudits. Mais le legs dépasse le mythe morrisonien. C’est surtout celui d’un groupe de rock considéré, à juste titre, comme le plus important. 4 musiciens qui se placèrent à l’avant-garde du psychédélisme pour mieux revenir à chaque fois aux racines : celles du blues le plus pur.
 
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